Le ministère veut proposer des outils d’observation et de renforcement pour les élèves de grande section. Premier projet : des activités de phonologie peu adaptées, très mécaniques et uniquement inspirées de l’approche médicale.
Selon le ministère, ce devrait être la grande nouveauté de l’année : un programme d’aides pour les élèves de grande section dans dix domaines clés de la maternelle ( voir ci-dessous). Oublié donc l’épisode calamiteux d’octobre dernier qui consistait à les évaluer, pour classer les élèves en trois catégories ( RAS, à risque, à haut risque).
Présenté dans la circulaire de rentrée, ce nouveau programme est constitué d’outils d’observation et de renforcement pour les élèves de grande section de maternelle qui auraient des difficultés dans l’un des dix domaines clés. Le ministère insiste sur leur caractère non obligatoire. Ils sont seulement mis à la disposition des enseignants.
Phonologie : une seule manière de faire ?
Le premier programme, concernant le domaine de la phonologie, a été présenté au SNUipp-FSU le 27 mars dernier. Le ministère le soumet comme un projet en cours d’élaboration, destiné à être opérationnel pour Septembre. D’autres devraient suivre en décembre, comme la compréhension de l’écrit et le vocabulaire.
Premier constat : Le projet est loin d’être abouti. Pour le SNUipp-FSU,
tout cela n’est même pas très sérieux. D’une part, l’approche proposée reste “monocolore”. Les activités ont été conçues par des médecins et l’équipe du Dr Zorman, à partir du programme « Parler » édité chez la Cigale. Très clairement, le ministère vend ici « une seule manière de faire ». C’est ainsi que pour la phonologie, sont écartés des outils conçus par d’autres spécialistes, reconnus et testés par les enseignants. Jean-Michel Blanquer, Directeur général de l’enseignement scolaire, un des responsables du projet, assume ce « parti-pris » qui favorise une chapelle de la recherche. Sur quelles bases et selon quelles conclusions sérieuses ?
Des activités peu adaptées à l’âge des élèves
Par ailleurs, les activités proposées sont pour nombre d’entre elles peu adaptées à l’âge des élèves de grande section. C’est ainsi que des exercices de renforcement sont proposés dans le premier trimestre de GS ( découpage de mots en phonèmes : BOL : « B » « O » « L ») alors qu’ils sont de fin de GS, voire de début de CP. A vouloir faire trop tôt, cette approche va finir par défavoriser les élèves les moins avancés.
D’autres exercices sont même définitivement à côté du sujet.
Concernant le découpage syllabique des mots par exemple, les exercices se proposent de se servir de supports images, elles même découpées. Le lien entre le mot entendu et l’image est complétement artificiel.
Selon Mireille Brigaudiot, spécialiste du langage, cela va entrainer de la confusion chez les enfants, notamment les plus fragiles. Pour le SNUipp-FSU elle explique : « on leur fait croire qu’écrit et dessin fonctionnent dans le même registre : couper un mot en deux ou couper un dessin en deux c’est pareil ; on a à chaque fois deux morceaux de quelque chose. Or, c’est faux ! surtout pour l’écriture du français qui contient par exemple des semi-voyelles ne permettant pas de « couper-séparer » les lettres. Dans le mot « moyen », la lettre Y appartient à la fois à la première syllabe qui est [mwa] et la seconde qui est [jî] »
Autre exemple : l’enfant doit séparer le carton comportant l’image d’un mot. Là encore Mireille Brigaudiot analyse : « non, un mot n’a pas d’image ! au mieux, un référent peut être illustré. Les enfants entrent dans le langage en traitant simultanément les noms et tous les autres mots, pas du tout comme des éléments de catégories mais comme des énoncés : chaînes sonores longues, portées par l’intonation et l’affect d’un adulte dans une relation. En entendant « et oui ! on va aller au square » quand il dit en écho à un an et demi « kar » (fin de l’énoncé « square ») il a, d’une certaine manière, très bien segmenté ce qu’il a entendu. Or, ce “travail” s’est fait SANS référent sous les yeux. Par opposition, je rappelle que des expériences ont été faites dans plusieurs pays pour entraîner les bébés à dire des mots en leur montrant des images (en France, par ex Rachel Cohen dans les années 70), avec entraînement, et que tout ça a été abandonné » A revoir
Pour le SNUipp-FSU, ce premier projet est à revoir. Le risque est grand de vouloir normaliser ces activités dans toutes les classes. Pour rappel, le ministère a prévu de former 2 000 conseillers pédagogiques pour ces outils. Ce programme dénote d’une vision rigide et mécanique des apprentissages. La Grande section risque de ne devenir qu’une usine à fabriquer des CP. Avec de tels outils, plus besoin de former les enseignants à l’enseignement en classes maternelles, il suffit de prescrire des techniques. Le SNUipp estime que la maternelle mérite mieux. Il faudrait une vision globale des trois à quatre années de maternelle pour envisager des activités permettant, avec bienveillance et attention, d’aider tous les élèves à progresser dans leurs apprentissages sensoriels, moteurs, intellectuels, langagiers et culturels. Il a demandé au ministère de revoir complétement cette première copie...avec un peu de sérieux cette fois !
Les dix domaines proposés par le ministère
Pour la maîtrise de la langue :
Comprendre un texte oralisé et se familiariser avec l’écrit
Reconnaître à l’oral les mots, les syllabes, les phonèmes (segmenter, discriminer) et connaître les lettres de l’alphabet
Avoir suffisamment de vocabulaire
Avoir une conscience syntaxique (qui fait quoi, où, quand, comment ?)
S’exprimer oralement
Pour les mathématiques :
Le sens des nombres
L’espace et la géométrie
Pour les compétences transversales :
La motricité fine et les capacités graphiques
L’attention et la mémoire
S’organiser dans les tâches, planifier.
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Dernière mise à jour : vendredi 16 septembre 2022