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publie 6 décembre 2012

Filles-garçons : Sous les différences, des inégalités

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Nicole Mosconi, agrégée de Philosophie et Professeure émérite en sciences de l’éducation à Nanterre, a centré ses recherches principalement sur la mixité dans le système éducatif, la division socio-sexuée des savoirs et la question de l’éducation des filles et l’égalité des sexes.

- Dictionnaire des écoliers, harcèlement sexuel, la question du sexisme revient à la Une. Comment faire évoluer les représentations ?

On peut toujours faire des déclarations et des conventions comme la nouvelle ministre du droit des femmes qui semble avoir des intentions généreuses mais la question reste : comment faire passer d’une manière efficace une volonté politique ? L’école a bien évidemment un rôle central, mais on ne peut s’en tenir aux seules initiatives individuelles d’enseignants de bonne volonté. Pour faire évoluer un groupe professionnel, la formation est un maillon essentiel. Il faut persuader les personnes, à tous les niveaux, que ça fait partie de leur professionnalité en leur sortant de la tête qu’être un garçon ou une fille relève du biologique et en précisant tout ce qui relève du culturel. Pour cela, il est indispensable d’obtenir l’adhésion des corps intermédiaires de l’éducation nationale.

- Comment se construisent l’identité de genre et l’inégalité sexuée ?

Je parle plutôt d’identité de sexe parce que la notion de genre, telle que je l’utilise, renvoie au féminin et au masculin définis dans leur rapport toujours différencié et hiérarchisé, qui construit des identités sexuées différentes, valorisant l’identité masculine et dévalorisant l’identité féminine. Dès leur naissance, les enfants sont socialisés selon leur sexe d’assignation, celui de l’état civil. Dans le milieu familial, on n’attend pas la même chose dans leurs comportements et conduites respectifs. On les habille différemment, on leur donne des jouets différents pour marquer qu’ils doivent se construire dans une identité différente. Dès la crèche, on attend des petits garçons qu’ils soient plus aventureux et entreprenants. Les petites filles doivent être plus sages et tranquilles. Et on l’obtient d’ailleurs le plus souvent.

- Quel rôle joue l’école ?

Les enseignants ne sont pas plus sexistes que les autres, mais ils le sont tout autant. On sait qu’ils ont tendance à s’occuper plus des garçons que des filles. On est plus sévère avec les travaux des garçons par exemple. En revanche, quand une fille fait un bon travail, il est moins valorisé. On explique la réussite des filles par leur travail et celle des garçons par leurs capacités. Cette socialisation génère le problème de la non réussite des garçons, en particulier issus des classes populaires. À l’inverse, la socialisation des filles favorise leur adaptation au milieu scolaire et peut leur permettre de déjouer les déterminismes sociaux. Mais cette réussite des filles est neutralisée ultérieurement par les orientations scolaires. Les filles sont assignées à certaines filières et les garçons à d’autres. L’école contribue à reproduire la division horizontale et verticale du travail.

- Quelles sont les pratiques de classe susceptibles d’éviter ce déterminisme ?

Je m’interdis d’être prescriptive, mais je m’intéresse et je recense les pratiques des enseignants. Certains essaient de contrer tout ce qu’on connaît des interactions en classe, en interrogeant successivement une fille et un garçon, ou en travaillant en groupes restreints, au sein desquels les filles parlent plus. D’autres montrent qu’il y a des femmes en politique, en art ou que des hommes font des métiers « féminins » comme sagesfemmes par exemple. On a tendance à considérer que c’est bien quand une femme fait un métier masculin. Mais pas l’inverse. Si je ne crois pas aux leçons de morale théorique, une réflexion sur les différentes formes de sexisme dans les rapports des élèves entre eux est fondamentale. Un incident dans la classe peut être l’occasion d’un débat collectif...

- Les manuels scolaires véhiculent-ils beaucoup de stéréotypes ?

C’est bien moins caricatural qu’il y a 30 ou 40 ans. Il y a quelques années, un manuel avait remplacé les humains par des animaux. Mais ces animaux anthropomorphisés montraient des rapports sexués bien plus stéréotypés. Par exemple, la mère lapin avec son tablier qui effectuait les tâches ménagères tandis que le père lapin fumait la pipe dans son fauteuil. On peut apprendre aux élèves à décrypter ces stéréotypes de sexe. Et c’est très utile.