Rencontre avec Jean-Paul Delahaye, Inspecteur général de l’Education nationale, à l’occasion de la remise de son rapport « Grande pauvreté et réussite scolaire : le choix de la solidarité pour la réussite de tous ».
Vous dressez le constat d’une aggravation de la pauvreté des élèves : Comment se répercute-t-elle à l’école ?
En France, 1,2 million d’enfants, soit un enfant sur dix, vivent dans des familles pauvres ou très pauvres et connaissent de grandes fragilités pour apprendre sereinement. Et cela s’aggrave avec la crise économique. Or les fonds sociaux ont été divisés par 2,3 de 2001 à 2013. Dans les écoles, les enseignants témoignent des signes de pauvreté, des enfants qui ne déjeunent pas le midi, qui portent des vêtements trop petits, trop grands ou pas assez chauds par exemple. Dans certaines parties du territoire, grâce à la vigilance et au dévouement des personnels, l’école est devenue une institution d’aide aux familles, voire un refuge, et, souvent, le seul moyen pour les familles en grande difficulté d’entrer en contact avec les services médicaux et les services sociaux. Tous les enfants des familles pauvres ne sont pas en échec scolaire, mais ceux qui échouent à l’école aujourd’hui seront les exclus de demain. En favorisant davantage la réussite scolaire des plus pauvres, le système éducatif leur offre le seul moyen à long terme de sortir de la pauvreté.
Quelle doit être la place du primaire dans une stratégie de réussite pour tous ?
L’objectif de réussite pour tous à l’issue de la scolarité obligatoire nécessite non seulement le maintien mais aussi le renforcement de la priorité à l’école primaire qui est l’un des objectifs de la loi de refondation. Il est à cet égard de la plus haute importance de maintenir l’effort en direction de l’école maternelle en donnant la priorité aux territoires en difficulté, urbains comme ruraux pour la scolarisation des enfants de moins de 3 ans. De même, il faut poursuivre de façon volontariste et pilotée l’implantation du dispositif «  plus de maîtres que de classes  » dans les zones difficiles, urbaines et rurales. Il faut aussi s’assurer dans chaque académie que les postes sont bien implantés là où sont les besoins, poursuivre le mouvement de création de postes de RASED, en priorité en éducation prioritaire et dans les territoires ruraux isolés. Et prévoir bien sûr les départs en formation nécessaires des personnels candidats aux fonctions d’enseignants spécialisés.
Vous formulez 68 recommandations, quelles sont les principales  ?
Tant qu’il n’existera pas une mixité sociale et scolaire suffisante sur l’ensemble du territoire, des mesures ciblées d’accompagnement et d’aide, à la fois pédagogiques et budgétaires, au bénéfice des publics défavorisés seront nécessaires. Je propose, par exemple, de réaffecter une partie des économies réalisées par la suppression progressive du redoublement au financement pérenne d’actions pédagogiques d’accompagnement des élèves les plus en difficulté. De même, parce que nous avons, par rapport aux pays qui nous sont comparables, un second cycle plus coûteux de 15 %, et une école primaire moins bien dotée, de 15 % également, je propose de rééquilibrer les dotations budgétaires au sein du système éducatif de manière à concentrer les moyens disponibles en direction de l’école primaire, et à mieux doter les collèges et les lycées qui accueillent une part importante d’élèves ayant besoin d’une attention particulière. La priorité est aussi d’affecter des enseignants expérimentés dans les écoles et établissements difficiles. Aussi, l’effort de solidarité supplémentaire devra s’accompagner d’une réflexion pédagogique offrant toutes les garanties d’efficacité.
Comment aider les enseignants à atteindre cet objectif de la réussite pour tous ?
Lors de mes visites de terrain, j’ai rencontré beaucoup de personnels totalement investis dans leur tâche et convaincus que tous les élèves sont capables d’apprendre. Cet engagement doit être mieux soutenu par la formation initiale et continue. Les enseignants expriment le besoin de repères professionnels, notamment en matière de didactique et de pédagogie pour davantage tenir compte de l’hétérogénéité des élèves et enrichir leur pratique pédagogique en conséquence. Parmi les pistes suggérées dans mon rapport  une consisterait à organiser chaque année dans les ESPE un séminaire qui permettrait aux jeunes enseignants d’échanger sur leurs premières expériences, non seulement entre eux mais avec des collègues plus expérimentés, créant ainsi une culture commune et de collaboration qui fait trop souvent défaut au sein de l’éducation nationale. Il faudrait aussi organiser, pour les personnels nouvellement affectés dans une école ou un établissement, un temps de formation ayant pour objectif une première connaissance de l’environnement de l’école.
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Dernière mise à jour : vendredi 16 septembre 2022