Pas évident de devenir parent d’élève quand on ne maîtrise pas les codes de l’école. L’implication des familles est pourtant un facteur clef de la réussite scolaire. Fenêtres sur cours ouvre le dossier.
Selon l’observatoire des inégalités, les enfants des milieux populaires représentent 56% des élèves en 6e mais plus que 24% des diplômés à Bac +5. À l’inverse, les enfants dont les parents sont cadres ou exercent une profession libérale représentent 16% des élèves de 6e mais 42% des diplômés bac+5. Les enquêtes PISA l’avaient déjà explicité, le système scolaire français est parmi les plus inégalitaires et les écarts se creusent entre forts et faibles. Et pendant ce temps-là, il y a toujours 15 à 20% des élèves qui ont des difficultés en fin de CM2 et qui fourniront à la fin de la scolarité le gros des troupes sortant du système sans qualification ni diplôme.
En 2006, une étude de l’inspection générale identifiait les principaux déterminants de l’échec scolaire : les inégalités économiques, culturelles, sociales et territoriales bien sûr, mais aussi les situations familiales avec le chômage, la pauvreté des familles, la difficulté ou encore, pour les familles immigrées, la barrière de la langue et de l’écrit.
En paraphrasant Erasme on pourrait dire qu’ « on ne naît pas parent d’élève, on le devient » , mais il est évident au regard des statistiques que pour certains c’est plus difficile que pour d’autres. Faut-il pour autant renoncer à voir ces parents passer la porte de l’école ? Comme les autres ils sont soucieux, désireux de la réussite scolaire de leurs enfants. Les aider à trouver leur place à l’école, un vrai défi à relever. Selon une autre étude menée par l’IGAS en février dernier, les politiques de soutien à la parentalité ont des effets bénéfiques en termes de fonctionnement intrafamilial, de développement du lien social, d’intégration (lire l’article). Dès lors, est-il possible de mettre en place des dispositifs permettant de faire rentrer les parents des milieux populaires à l’école, de les impliquer dans la scolarité de leur enfant, quand la plupart se détournent de l’institution soit par excès de confiance soit parce que la mise à distance de l’école leur permet de se protéger d’une mise en cause de leur qualité éducative de parents. En vérité la bonne place est dans le respect des prérogatives de chacun
Être à l’écoute des parents éloignés de l’école
Les obstacles ne sont pas évidents à surmonter. Mais, ce n’est pas parce que les parents sont aux prises avec des difficultés langagières qu’ils ont un rapport très confus à l’écrit, qu’ils ne possèdent pas eux-mêmes les codes sociolinguistiques, qu’on ne doit pas travailler avec eux. Bien au contraire. Certaines équipes, par nécessité ou par conviction, cherchent à tisser le lien en leur offrant des opportunités d’observation et de participation, l’accompagnement des sorties par exemple. Mais pour le maître, il y a autant à leur apprendre qu’à apprendre d’eux-mêmes pour mieux les comprendre. Il y faut de l’écoute.
Mais certaines écoles ont aussi décidé de prendre le problème à bras le corps, souvent avec l’appui d’une structure externe à l’école mais ayant pignon sur rue dans le quartier et qui joue ainsi un rôle de médiation. L’école du quartier de La Source à Orléans a inscrit le lien école-parents dans son projet et le travaille avec le centre ressources informations accompagnement, structure intervenant au sein de l’école auprès des familles pour les associer aux apprentissages de leurs enfants (lire l’article ). Dans le quartier Laubadère à Tarbes où les familles cumulent les difficultés avec un taux élevé de parents d’origine étrangère, un chômage touchant près d’un actif sur deux chez les jeunes, les trois écoles bénéficient des retombées de l’intervention des pouvoirs publics et des bailleurs sur le bâti et l’urbanisme. C’est ainsi qu’un point parents a vu le jour, qui propose de multiples activités aux parents et enfants et est aussi devenu un véritable sas entre le quartier et l’école (lire l’article).
Un rapport de complémentarité entre parents et enseignants
Malheureusement, ces initiatives restent trop isolées et ne sont jamais évaluées. L’institution se préoccupe peu de cette relation en dehors du conseil d’école. Sinon, la règle est la même pour tous, elle prévoit deux rencontres enseignant-parents par an, suivant des modalités fixées par les équipes et pas plus. Sur le plan de formation initiale, il n’y a pas grand chose aujourd’hui. Les Espé s’en préoccuperont-elles ? A voir. Ce manque de formation est d’autant plus dommageable que les enseignants viennent rarement eux-mêmes d’un milieu populaire. Pour Félix Robert, responsable Écoles chez ATD Quart Monde, il faudrait que cette formation prenne en compte « les réalités de la vie des familles populaires » car « ce n’est pas inné de savoir comment dialoguer, écouter, communiquer, connaître ce qui fait obstacle aux apprentissages, pratiquer des pédagogies coopératives et s’appuyer sur les réussites des élèves » (lire l’article). Le projet de loi sur l’école rappelle les vertus de cette coéducation, déterminante pour la réussite des élèves. Comme l’explique le sociologue Daniel Thin, parfois la distance est telle entre culture familiale et culture scolaire qu’elle conduit à de nombreux malentendus entre école et parents, qu’il est impératif de lever. Pour cela, Pierre Périer appelle les équipes à travailler « un rapport de complémentarité » , en regardant « les parents des familles populaires immigrés tels qu’ils sont » . Il estime que si on veut « toucher les parents c’est dans une diversité de modalités contextualisées, une diversité de contenus, de transactions, de division de responsabilités, de règles d’échanges » qu’il faut aller (lire l’entretien). Sans doute plus facile à dire qu’à faire mais l’enjeu n’est pas mince, il est à la fois « de sensibiliser les familles populaires sur le sens de l’école et des apprentissages » tout en donnant à ces familles des signes de reconnaissance permettant « à l’élève d’investir positivement sa scolarité » .
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Dernière mise à jour : vendredi 16 septembre 2022