SNUipp-FSU du Jura : Nous n’entrerons pas dans l’avenir à reculons !

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publie 19 mai 2020

"Statut des directeurs, le retour" : en pleine crise sanitaire, on prend les mêmes et on recommence !

Compte tenu de l’épidémie que nous traversons et du passif entourant la question du « statut des directeurs » (dernière mobilisation en date l’année dernière contre la loi Blanquer) on aurait pu croire que pour le gouvernement, il y aurait d’autres priorités pour l’école que d’y envisager une nouvelle répartition des pouvoirs.

Eh bien non, du moins si l’on en juge par la proposition de loi déposée mardi dernier en vue de créer la « fonction de directeur d’école ».

On prend les mêmes et on recommence...

Cette proposition de loi a été présentée le 12 mai 2020 par Cécile Rilhac en compagnie de 21 autres députés LREM. Elle avait déjà été à l’origine en 2018, avec la députée LR Valérie Bazin-Malgras, d’une proposition de loi visant à fusionner maternelles et élémentaires sous la coupe de directeurs supérieurs hiérarchiques rattachés au principal du collège. C’est précisément cette proposition qui avait accouché des EPSF, point central de la loi Blanquer sur lequel le ministre avait dû reculer face à la mobilisation enseignante.

Rebelote après le suicide de notre camarade Christine Renon, où la même Cécile Rilhac a tenté de ressortir les EPEP du placard. Elle attendait donc une nouvelle "fenêtre" et l’épidémie lui en donne l’occasion.

Véritable obsession ministérielle, ce projet de loi est donc sans surprise dans son contenu : sous-couvert de "l’originalité" rappelée du système français qui n’a pas de chefs d’établissement dans le 1er degré, c’est un moyen d’institutionnaliser la territorialisation de l’éducation nationale déjà bien engagée, particulièrement depuis la réforme de rythmes scolaires, ainsi que les pouvoirs croissants donnés aux recteurs-trices qui s’affranchissent bien souvent des consignes de la rue de Grenelle.

D’abord on brosse dans le sens du poil...

- Affirmation des « missions essentielles du directeur d’école »,

- « Tel un chef d’orchestre il met en musique la partition de chacun pour créer une symphonie harmonieuse où chacun peut s’épanouir. »

- « Les directeurs ne sont plus chargés des activités pédagogiques complémentaires (APC). »

- « Pour les directeurs d’écoles de plus de 8 classes, il est précisé qu’ils ne sont plus chargés de classe. »

- « Une bonification indemnitaire leur est attribuée et un avancement de carrière spécifique en favorisant une progression de carrière

accélérée, en dehors des contingents réservés aux enseignants. »

Vient ensuite l’objectif institutionnel

- « Le directeur est décisionnaire lors des débats qu’il organise pour assurer le bon fonctionnement de l’école sur le plan pédagogique comme sur celui de la vie de l’école »

- « Il a autorité pour prendre des décisions en lien avec ses différentes missions ainsi que sur les personnels qui sont sous sa responsabilité durant le temps scolaire, sans en être le responsable hiérarchique ». Le projet de texte précise : « il est délégataire de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de l’école dont il a la direction ». Autrement dit, il change de camp.

- Une phrase à lire en lien avec le contexte actuel : « en cas de graves dysfonctionnements de son établissement ou de mise en danger des personnes, il peut prendre toutes dispositions nécessaires pour rétablir le bon fonctionnement et la sécurité des biens et des personnes »

- L’article 2 crée « un emploi fonctionnel pour les directeurs d’école. Ainsi, sans changer de corps, il est reconnu la spécificité de leurs missions et responsabilités. »

- « Une feuille de route sera donc établie au niveau national, encadrant la fonction selon les missions stipulées dans le référentiel métier publié au BO de décembre 2014. Cette feuille de route pourra, par exemple, être personnalisée par le DASEN pour tenir compte des compétences du directeur, des spécificités du poste, du projet d’école ou encore des particularités territoriales. » En clair : généralisation des postes à profil pour la direction d’école.

- « Dans les écoles de 8 classes et plus, le directeur n’est pas chargé de classe. Il participe à l’encadrement du système éducatif et aux actions d’éducation et peut donc se voir confier d’autres fonctions concourant à l’exécution du service public d’éducation. En fonction de la feuille de route définissant l’emploi fonctionnel, il peut être chargé de missions d’enseignement [des directeurs joueraient donc le rôle de "moyen sup" que le gouvernement a supprimés par ailleurs avec la fin des PDMQDC], d’accompagnement [viserait on ici a remplacer les CPC ?], de formation [prise en charge de la "formation continue" des adjoints par les directeurs ?] ou de coordination, lorsque sa mission de direction n’est pas à temps plein." [...] (pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial), réseaux d’éducation prioritaire (REP), Réseau d’éducation prioritaire renforcé (Rep renforcé), regroupement pédagogique intercommunal (RPI)). »

Enfin, quelques vœux pieux

Pour l’aide à la direction : il est proposé aux « communes ou communautés de communes ayant la compétence scolaire de mettre à disposition du directeur d’école une aide de conciergerie ou une aide administrative, en fonction des besoins exprimés par le conseil d’école. » L’allègement des tâches : lors des élections des représentants des parents d’élèves, « les représentants d’une liste unique [seront] élus directement sans organisation ni matérielle ni par correspondance des élections. » L’allègement des responsabilités : « le PPMS ne doit pas être supprimé mais pris en charge par des personnels compétents en matière de sécurité. L’écriture du PPMS et la lourdeur administrative qui l’accompagne sont devenues une charge très lourde dans le quotidien du directeur d’école, tant sur le plan administratif qu’en terme de responsabilité. »

Des vÅ“ux pieux donc, mais de vraies promesses de nouvelles tâches qui viseraient à transformer les directrice.teur.s en "managers", véritables courroies de transmission des directives hiérarchiques. Ce n’est pas tant un "chef d’orchestre" qu’un "homme orchestre" que dessine ce projet de loi !

Ce projet de loi est pour le SNUipp-FSU une occasion de rappeler partout que l’absence de statut ou d’emploi fonctionnel pour les directrice.teur.s d’écoles est protecteur pour eux. S’ils et elles ont un travail monstre dans la période, contrairement aux chefs d’établissement ou aux IEN ils n’ont pas les mêmes responsabilités ! C’est bien ce qui ennuie le ministère…

Tout cela ne revient pas par hasard en ce moment. Dans la situation actuelle, même si la charge de travail engendrée est monstrueuse et malgré le poids qui pèse sur les épaules des directeur.trice.s, le statut actuel des directions est relativement protecteur en terme de responsabilités. D’autant que le directeur a aujourd’hui la possibilité de s’appuyer sur son conseil des maîtres dans une démarche collective.

Qu’en serait-il demain avec ce projet de loi ? La réponse ne peut qu’inquiéter et l’on ne peut s’empêcher de repenser à notre collègue Christine Renon...