Le Conseil Supérieur des Programmes de J.M. Blanquer apublié une « Note d’analyse et de propositions sur le programme d’enseignement de l’école maternelle » qui dénature mensongèrement les programmes de 2015, pour en organiser la disparition. Sans aucune consultation et sans aucun bilan des programmes précédents.
Cette note est accablante : incohérences, incompétence didactique et pédagogique (non,le langage ne se réduit pas à des apprentissages techniques de la langue, l’énumération n’est pas le dénombrement, l’écriture ne « transmet pas la parole » ; écouter, répéter, mémoriser ne suffisent pas pour apprendre...). Les fondamentaux chers au ministre sont au mieux un RSA culturel sans rapport avec une nécessaire acculturation dès le plus jeune âge.La « confiance » et la « bienveillance » ne masquent pas l’indigence du propos (« les nombres deviennent les amis » des enfants !). Sans oublier le mépris récurrent à l’égard des enseignants, des parents réduits à des consommateurs d’école,et surtout à l’égard des enfants des classes populaires quand ils deviennent responsables de leurs difficultés alors qu’elles incombent pour grande partie à une école des plus ségrégatives.
Alors pourquoi remettre en cause les programmes de 2015 bien accueillis par les professionnels, si ce n’est pour un retour en arrière fort dangereux ?On le comprend quand la promesse démocratique de la capacité de tous à apprendre et progresser (loi d’orientation de 2013 et programmes de 2015) est abandonnée pour laisser la place à la promotion de l’épanouissement de « l’enfant »(lequel ?),dans une conception naturalisante du développement. Une école pour chacun et non pour tous. Or la curiosité, l’intérêt, le goût pour les apprentissages scolaires résultent d’une construction socioculturelle (voir Lucien Sève, Bourdieu et plus de 30 ans de recherche). L’échec scolaire n’est pas fatal, à condition que tous les enfants soient dotés des outils requis pour entrer dans des apprentissages culturels et non de pauvres outils techniques et utilitaires pour réussir les « évaluations » de début de CP. Car les prétendus« jeux » de la note ne sont que bachotage,formatage minimal à des mécanismes sans épaisseur culturelle, conçus pour des contrôles. En quoi y entraîner les enfants, dès 3 ans,peut-il construire le goût d’apprendre, pour tous ?
Certaines formulations sont particulièrement inquiétantes. Il s’agirait de « conforter le sentiment d’appartenance du jeune enfant à la communauté́ nationale » ou encore d’aborder la langue, précisée française, (mais quelle autre ?) comme « facteur de cohésion nationale et de rayonnement culturel, (qui) constitue le socle de son identité́ en France et dans le monde ».
Il est plus que temps de prendre en compte la richesse de la recherche, universitaire,pédagogique, de redonner sens au métier d’enseignant qui ne relève en rien d’exécutions de tâches, dans une école où les enfants et particulièrement ceux issus des classes populaires, vont se familiariser avec une manière spécifique d’apprendre. Il n’est pas possible d’accepter que l’école maternelle perde sa fonction : permettre à tous les enfants d’apprendre ensemble, dans le plaisir de la rencontre avec de nouveaux objets culturels (absents de la note comme la musique, les arts plastiques, l’EPS...)
Christine Passerieux. Enseignante et formatrice d’enseignants à la retraite. Membre du groupe d’experts pour le projet de programmes de 2015 au titre du GFEN
2007-2023 © SNUipp-FSU du Jura : Nous n’entrerons pas dans l’avenir à reculons ! - Tous droits réservés
copyright spip
SPIP 1.9.2p [19377]
copyright eva
version eva
Dernière mise à jour : vendredi 16 septembre 2022