Sous l’effet des politiques d’austérité généralisées, la zone euro est entrée dans une récession appelée à s’aggraver. Dans les pays d’Europe du Sud le recul de la production est encore plus important et certains pays connaissent des taux de chômage dignes de la grande dépression des années 30. Même l’économie allemande subit un recul de la croissance, tandis que l’économie française entre en stagnation. 18 millions de personnes soit 11,4 % de la population active sont au chômage dans la zone euro. Les plans sociaux se multiplient comme dans l’automobile où la contraction des marchés d’Europe du Sud, ainsi que la baisse des revenus modestes et moyens, précipitent la crise des constructeurs spécialisés dans le bas et moyen de gamme.
Les plans dits de sauvetage des États confrontés à des taux exorbitants pour emprunter sur les marchés, par les politiques d’austérité radicales qu’ils imposent, enfoncent ces pays dans la récession et creusent ainsi leurs déficits publics. Ces politiques imposent de démanteler l’État social, de réduire l’emploi public, les salaires et les pensions, de privatiser les services publics, de défaire le droit du travail et la négociation collective. Les peuples et en particuliers les salariés, subissent une baisse sans précédent de leur niveau de vie, leurs droits fondamentaux d’accès à la santé et à l’éducation sont gravement remis en cause, tandis que les intérêts des privilégiés sont préservés.
Quatre ans après la chute de Lehman Brothers et l’éclatement de la crise financière, la finance a conservé son pouvoir d’influence et de nuisance, elle continue à se livrer à la spéculation, par exemple sur la dette publique ou sur les produits alimentaires, elle échappe toujours au contrôle des régulations publiques comme le montre le récent scandale du Libor. Les banques restent fragiles, notamment dans les pays comme l’Espagne où l’endettement privé reste le problème majeur, et elles réduisent leur offre de crédit. Les paradis fiscaux prospèrent comme jamais, et permettent l’évasion fiscale des grandes entreprises et des privilégiés avec la complicité des banques.
Depuis deux ans, les "sommets de la dernière chance" se sont multipliés sans s’attaquer aux causes profondes de la crise de la zone euro. Concédés à reculons, ils visent d’abord à éviter l’effondrement de l’euro et la panique financière qui s’ensuivrait. La récente décision de la BCE d’acheter à nouveau de la dette publique des États en difficultés pour réduire le niveau insoutenable des taux d’intérêts auxquels ils empruntent entre dans ce schéma.
La BCE avait suspendu ces achats en décembre dernier (alors qu’en même temps elle prêtait 1000 milliards d’euros aux banques) dans l’objectif avoué de mettre la pression sur les États pour qu’ils adoptent des politiques d’austérité drastiques. Ceux-ci se sont exécutés, mais le principal effet de l’austérité imposée ayant été d’aggraver les déficits publics, la spéculation sur les marchés financiers a repris de plus belle et les taux d’intérêts se sont envolés prenant à la gorge l’Espagne et l’Italie pourtant présentées comme des "bons élèves" de l’austérité. Au sommet de Rome de fin juin, Rajoy et Monti ont dénoncé cette situation ubuesque qui les a contraint début juillet à remettre une nouvelle couche d’austérité particulièrement sévère notamment en Espagne (65 milliards). Sous la menace d’un éclatement de l’euro, la BCE est contrainte d’’acquérir à nouveau de la dette de ces États, mais de façon partielle (titres inférieurs à trois ans sur le marché secondaire) en cherchant surtout à renforcer la tutelle sur ces pays puisque l’intervention de la BCE est conditionnée à de nouveaux plans d’austérité qui ouvriront également l’accès à des interventions des fonds européens (FEFS, MES). Le gouvernement espagnol est réticent à entrer dans ce jeu infernal qui consiste à lui promettre une explosion sociale pour le remercier d’abandonner sa propre souveraineté !
Austérité et compétitivité (c’est à dire la baisse du coût salarial) sont les maîtres mots des politiques qui se répandent dans toute l’Europe. Une spirale dépressive auto-entretenue s’installe car la faiblesse de l’activité fait baisser les salaires et s’accroître les déficits publics, car les exportations de chaque pays vers la zone euro sont affaiblies, parce que la demande privée est hors d’état de relayer la contraction de la demande publique. Dans ce contexte les inégalités au sein de chaque pays et entre les pays s’accroissent, menaçant la cohésion de l’Europe et préparant la montée des courants xénophobes. Constatant que le modèle de Maastricht fondé sur une concurrence sans régulation politique n’est pas viable, les élites européennes se sont engagées dans l’aventure du "saut fédéral". Il ne s’agit nullement de construire une Europe sur la base de la solidarité et de la coopération, mais d’extraire les politiques publiques du contrôle démocratique et de la souveraineté des États, en imposant les politiques libérales par des procédures sanctuarisées dans le droit.
Depuis deux ans, une série de textes souvent techniques et mal connus du public ont été approuvés à l’initiative de la Commission européenne : "Semestre européen", Pacte "Euro plus", "Six-pack" et maintenant "Two-pack ". Ce sont des dispositions complexes qui visent à mettre en place des mécanismes de surveillance de l’élaboration des budgets nationaux, de mises en garde contre les "dérapages budgétaires", de recommandations de la Commission européenne sur les mesures à prendre, et de sanctions automatiques contre les Etats qui ne s’engagent pas suffisamment dans cette politique. Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) qui à la différence des textes précédents, est une initiative de l’Allemagne soutenue par Sarkozy, reprend une partie de ces dispositifs, en ajoute d’autres. Le TSCG reprend le dispositif d’encadrement des budgets nationaux prévus par les précédents textes, par exemple l’obligation de réduire la dette publique dépassant les 60 % du PIB d’au moins un vingtième par an, ce qui signifierait pour les États les plus endettés le maintien de politiques d’austérité violentes sur plusieurs années. Il demande l’introduction de la "règle d’or" dans le droit national "au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles" Cette règle interdit à un État d’avoir un déficit "structurel" (déficit public hors effet de la conjoncture) supérieur à 0,5 % du PIB, instaurant une austérité perpétuelle puisque le Traité n’indique aucune date. Outre que cette notion de "solde structurel" est très floue, cela implique surtout que les pouvoirs publics sont condamnés à financer leurs investissements sur la seule base de leurs recettes de l’année. Cette aberration a en fait une signification politique : elle traduit la volonté de transférer au secteur marchand une grande parte des services publics, de la protection sociale, de la recherche et de l’éducation. Elle porte la haine libérale pour la dépense publique.
Dans le cas où un gouvernement s’opposerait aux recommandations de la Commission, des sanctions jusqu’à 0,1 % du PIB seraient décidées par celle-ci. Seule une majorité qualifiée des États pourrait s’y opposer : ce principe de la "majorité inversée" rend les sanctions quasi-automatiques. Cerise sur le gâteau : l’État "accusé" ne prend pas part au vote !
Ce Traité est fondé sur des hypothèses politiques libérales qui sont autant de dénis de la réalité :
La crise de la zone euro serait due à un excès de dépenses publiques et de déficits publics
l’austérité est la solution pour réduire les déficits publics
le salut de chaque pays se trouve non dans la solidarité entre pays mais dans une compétition mortifère obtenue par une baisse massive des salaires et des budgets sociaux.
Voter le TESG c’est approuver tout cela.
Plus fondamentalement, c’est approuver ce que le philosophe allemand Habermas appelle "une domination post-démocratique". Evincer les grands choix politiques de la délibération démocratique, du contrôle des parlements nationaux et même européen, c’est un virage radical que les classes dominantes prétendent opérer en esquivant le débat, en présentant cette évolution comme relevant de la "nécessité économique".
Cette construction super-étatique n’ayant aucune légitimité démocratique, il n’est pas difficile de parier que sur fond de souffrances des peuples, elle produira des réactions nationalistes et xénophobes.
Il est donc fondamental que les forces progressistes en Europe convergent pour soutenir une autre conception de l’Europe, démocratique, fondée sur la solidarité, la justice sociale et le souci de la transition écologique. Le Président de la république et le gouvernement soumettent ce Traité à la ratification par le parlement. Il n’est pas acceptable que des choix aussi fondamentaux soient faits sans que leur importance soit reconnue et présentée, sans qu’un débat démocratique approfondi puisse avoir lieu.
Le Traité dont la renégociation avait été promise est resté en l’état. Le Pacte de croissance qui est présenté comme un acquis de la négociation comprend pour moitié des fonds déjà existants et pour l’autre moitié la promesse d’une relance hypothétique d’investissements privés. Correspondant au mieux à 1 % du PIB, il n’est pas à la hauteur des enjeux de la crise européenne. En particulier, pour les peuples d’Europe du Sud qui voient défiler les plans d’austérité et auxquels les troïkas en promettent de nouveaux. Comment est-il possible de soutenir que la Grèce doit appliquer "jusqu’au bout" le mémorandum de la troïka pour être "crédible aux yeux des marchés financiers" quand on sait les souffrances inouïes que subit le peuple grec et que les marchés financiers ne croient plus la Grèce solvable ?
En France, le gouvernement s’est fixé l’objectif de ramener le déficit public de 4,5 % cette année à 3 % en 2013 et de l’annuler en 2017. De l’avis de nombreux observateurs, notamment de l’OFCE fin juillet, cette stratégie de réduire le déficit public à marche forcée et "quoi qu’il en coûte" va contracter encore davantage l’activité économique (une restriction budgétaire de l’ordre de 1,5 point de PIB conduirait à une perte du PIB de 1,2 point et une montée du chômage que certains économistes (Guillaume Duval, Libération.fr, 30 août) estiment à 300 000. En basculant dans une austérité aussi importante et sur plusieurs années, la France de par son poids économique, précipiterait encore plus l’Europe dans la récession. Les choix qui seront faits dans le budget 2013 seront donc cruciaux notamment dans les secteurs de syndicalisation de la Fsu, pour la fonction publique, l’emploi public et les salaires. La Fsu s’oppose à la ratification du TESG et au choix de l’austérité qu’il symbolise.
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Dernière mise à jour : vendredi 16 septembre 2022